Une inspiration anecdotique en travail social entre la France et le Québec : essai de quarantaine
Pourquoi maintenant ?
Jeunesse*, c’est aujourd’hui que je prends le temps d’écrire. Je suis en quarantaine et je viens de rentrer chez moi au Québec, ma province d’adoption depuis plus de 4 ans et demi. Alors oui, c’est aujourd’hui que je me pose pour t’écrire un mot du fond de mon cœur ! À l’époque des Skyblog ( Jeunesse, connais-tu ? ), j’en prenais du temps pour me poser, prose(r), m’étaler, me libérer de mes mots (maux ?). Et que ça faisait du bien à mon esprit, à mon cœur et à mon corps, alors je reviens à mes premières amours. Et si toi aussi, tu en profitais pour écrire cette semaine ?
Aujourd’hui, je voudrais te parler du social, de ma profession et avec fierté.
Je suis Assistante de Service Social (DEASS) en France et Travailleuse Sociale (T.S.) au Québec
Pourrions-nous parler de T.S. hybride ? Ne rigole pas Jeunesse ! C’est ce que je ressens dans mon cœur parfois. Tu vois, j’ai été formée au DEASS ( Diplôme d’État Assistant de Service Social) en France, une formation ô combien enrichissante, passionnante, éprouvante, difficile et ma foi, m(at)urissante.
Jeunesse en formation, je sais ce que tu vis, mais j’avoue que le contexte actuel ne me permet plus de savoir comment tu le vis ? Les temps changent, même le programme a évolué avec encore un manque de reconnaissance flagrant sur le terrain !
C’est navrant. Aussi, devrais-je comprendre que tu ne fais plus tes stages en face de vrais humains ? Mais non, en fait, tu n’arrives pas à trouver de stage c’est bien cela ? Que te dire ? Courage. Ne lâche pas tes projets, ça n’allait déjà pas si bien que ça et je ne pourrais jamais te garantir que ça ira mieux. Mais ce que je veux te dire :
C’est grâce à toi que les gens ont et auront le sourire ainsi que de l’espoir !
Jeunesse, ta profession sois en fière
Assumons que nous faisons du bien-être et que c’est souvent le cas ! Tu respectes la dignité de tout être humain, tu crois en la capacité humaine d’évoluer et de se développer. Tu ne favorises jamais la discrimination et tu crois en l’autodétermination ! Oui, tu donnes des sourires autant que tu en reçois et rien que pour ça MERCI !
Jeunesse un petit secret
Parfois, tu vas pleurer. Tu ne vas pas savoir quoi faire, ni comment réagir, ni quoi dire durant ton stage ou tes emplois !
Sois Sweet avec toi même, tu apprends. L’expérientiel rien de plus important !
Crois-tu que je suis devenue assistante de service social d’un coup de baguette magique, la fameuse et mythe-stérieuse ?
Eh bien non, j’ai copié sur mes référentes de stages, j’ai appris lors de mes groupes d’analyse de la pratique, j’ai bu les paroles de mes professeur(e)s et superviseur(e)s, je me suis inspirée auprès de mes collègues et équipe de travail. Et j’ai fait à ma sauce sociale !
Et puis, j’ai été énervée contre certain(e)s «ancien(ne)s» travailleurs et travailleuses sociales qui me prenaient de haut avec ma méthodologie, mon dynamisme et mon optimisme. J’ai baissé la tête et j’ai ralenti.
Jeunesse ! Ne t’imagine pas que je me suis laissée faire ! Chacun son tour et son heure de gloire, j’ai travaillé «la confiance» et finalement, on m’a suivi dans mes idées «novatrices». Tu parles, rien de nouveau mais pour eux/elles oui !
Petit à petit DEASS fait sa place dans ce monde de T.S.
Il y a eu mon entourage aussi, qui ne comprenait pas toujours de me voir changer et évoluer dans mes pensées, dans mes valeurs ! Tu sais, ces valeurs n’étaient pas toutes innées en moi, mais j’ai appris comme toi, j’ai débattu, je me suis confrontée aux Autres. J’ai acquis mon identité professionnelle à travers les Autres et à travers « Soi » ( Moi quoi ). Ces Autres ? Les étudiant(e)s, les professionnel(le)s, les gens que j’ai observé(e)s et accompagné(e)s, mon institut de formation, mes employeurs, mon réseau familial et amical, etc. Je ne te referai pas un cours de systémie, quoique ?
Tu vois, j’ai trop longtemps délaissé ma plume que je me perds, non, je m’étale ! Je n’écris pas aussi vite que mon cœur. Alors, c’est le cœur heureux que je reviens sur le Québec. Tu sais en formation, j’idéalisais le travail social québécois. Franchement après réflexion (depuis Montréal), je me demande encore comment et pourquoi. Mon école ? Mes profs ? Les articles dans les revues de service social ? Les référentes de stages ? La recherche ? Oui, ça doit bien être ça.
Mais une chose est certaine, j’ai tellement bien fait d’avoir exercé ma profession dans mon pays de formation avant d’immigrer au Canada. C’est là où j’ai pris confiance en moi, professionnellement, j’avais mes repères, je connaissais les lois, les « fameuses » politiques sociales que certains cherchent désespérément sur internet avant d’immigrer. J’étais sur le terrain, mon terrain. Tu sais, j’ai accompagné de si belles personnes ! Bon, j’avoue en avoir accompagné certaines qui m’ont fait peur, m’ont rendu hystérique, m’ont fait pleurer de joie comme de tristesse ou de culpabilité.
Jeunesse, une confidence
J’ai tout donné pour les personnes accompagnées, pour mon équipe, pour mon employeur (grave erreur). Je n’avais pas vu que j’avais franchi une limite, une autre puis encore une autre, etc.
Et c’est là, qu’un jour où je ne l’avais pas vu venir l’épuisement professionnel (le burnout) est venu cogner dans mon cœur, dans ma tête et dans mon corps. Les larmes ont coulé, je n’ai rien compris, je suis devenue un document administratif non rempli, une note chronologique vide de sémantique.
Prendre soin de soi est important. C’est vital dans le social !
L’épuisement professionnel, moi aussi, je ne comprenais pas ce que ça voulait dire et peut-être qu’encore maintenant c’est le cas. Trop d’heures supplémentaires, des collègues en arrêt ou un recrutement impossible, un budget inexistant ou trop réduit, une direction peu soutenante ou à bout de souffle, une charge de cas (les suivis) beaucoup trop importante, une vie personnelle qui s’effrite, une baisse de concentration, etc. Tu vois le combo. Et je ne parle pas de ta battle de danse ! Parfait pour péter une coche (un plomb).
D’un coup, d’un seul, l’arrêt arrive
Jeunesse, comment se protéger de ça ? Étonnant, je n’ai pas de conseil à te donner. C’est difficile de s’écouter tous les jours. J’ai peur de refaire les mêmes erreurs chaque matin. Alors surtout, je ne lâche pas ma garde ! Parfois et peut-être souvent, je compte sur Mes Autres pour me rappeler les signaux d’alerte.
D’autres en parlent mieux que moi et je mettrais une petite piste en bas de là. Si toi aussi, tu connais des pistes, j’espère que quand tu liras cet écrit, tu nous en feras profiter. Jeunesse, prendre soin de soi est si facile à dire mais si dur à réaliser. Sache que tout ne dépend pas de toi !
Un cheminement
Pour rien au monde, je n’effacerai de ma mémoire ces expériences aussi passionnantes qu’épuisantes. Grâce à elles, je suis devenue la professionnelle que je suis. Encore aujourd’hui, chaque rencontre me fait grandir, sourire et parfois pleurer. En fait, c’est là que je réalise que j’existe entourée de tant d’Autres.
Est-ce que mon projet d’immigration est arrivé au moment où je perdais pied professionnellement en France ?
Tu vas vite ! Mais oui, je l’ai conscientisé quelques années après mon arrivée icitte ! Je le prends comme une raison parmi tant d’autres : le voyage, l’aventure, la recherche, le travail social dans un autre pays, une autre province, exercer à l’étranger (et oui ça peut arriver!), un rêve que je voulais concrétiser !
Au Québec, je suis devenue travailleuse sociale avec mon cœur, mon bagage, ma formation d’assistante de service social en poche.
Au Québec, le titre professionnel de travailleuse sociale est protégé. C’est-à-dire que tu dois faire partie de l’Ordre des Travailleurs Sociaux et des Thérapeutes Conjugaux et Familiaux du Québec (OTSTCFQ) pour exercer cette profession et t’appeler comme tel. Jeunesse, je ne sais pas si tu le sais, mais en France c’est pareil. Oui ! Le titre professionnel d’assistant(e) de service social est protégé. Au fait, as-tu pensé à t’inscrire au répertoire ADÉLI ?
La travailleuse sociale au Québec, c’est l’assistante de service social en France ou l’ASS en France, c’est la travailleuse sociale au Québec. Point final ?
En tant que travailleuse sociale, j’ai découvert une nouvelle façon d’exercer, un nouveau rôle professionnel, les manquements théoriques de ma formation initiale, les différentes possibilités d’emplois qui s’offraient à moi, l’existence d’un ordre professionnel et surtout plus de reconnaissance et de valorisation de ma profession.
Mais attention jeunesse, j’ai aussi découvert la plus-value de ma formation pratique (les stages quoi!) au DEASS, le (encore?) merveilleux système de sécurité sociale et de santé de la France, l’immense accès aux droits que je pouvais offrir aux personnes que j’accompagnais directement, la richesse de mes équipes de travail, etc.
Au Québec, j’ai appris à axer ma pratique sur l’accompagnement psychosocial exit les demandes de RSA (aide sociale), de CMU, les aides financières (yeahhhhh!). En gros, on ne vient pas me voir spécifiquement pour des démarches administratives (ou en tout cas dans mes expériences d’emploi) Et toi qui exerce au Québec ?
On vient me voir pour réaliser une évaluation du fonctionnement social
Et par la suite, bien souvent, coconstruire un plan d’intervention. Ça fait peur un peu, un terme trop médical ? Trop carré ? Trop fonctionnel ? Ne t’y méprends pas. Cela ressemble beaucoup à l’ISAP et à l’ISIC sauf qu’on ne les écrit pas qu’en formation pour le DPP, mais pour chaque personne/groupe rencontré. C’est d’ailleurs, une exigence, un gage de notre professionnalisme et notre champ d’exercice.
C’est-à-dire qu’on me demande de mettre en pratique mon expertise en travail social (service social). À travers mon activité clinique, je produis un rapport professionnel : une évaluation de la situation à l’instant T1. Attention, je ne suis pas dans une optique de « faire fonctionner » la personne dans la société, mais bien de comprendre les facteurs (et plein d’autres « trucs sociaux ») qui l’empêchent de se développer au mieux.
L’évaluation du fonctionnement social, c’est le moment d’apporter à la personne que j’accompagne mon avis professionnel sur sa situation et voir s’il est en accord pour qu’on travaille à améliorer son bien-être ensemble.
Diagnostic social ?
Ouais j’m’emballe un peu. Mais, j’espère que tu vois où je veux en venir quand je parle de reconnaissance. Je m’essaye à faire un parallèle un peu osé. Quand tu vas voir un médecin, tu t’attends à ce qu’il fasse une évaluation complète de ta santé. Selon ta situation qu’il prenne ton pouls, ta température, qu’il t’examine ou te fasse passer une radio si nécessaire etc. Il jugera bon ce qu’il doit explorer pour ensuite te formuler son diagnostic médical et ses recommandations professionnelles. Eh ben, c’est pareil pour la travailleuse sociale et son « diagnostic social ». Tu vois bien que je mets des parenthèses !
Allez rigole si tu veux, pleures, hallucines ou respire ! Si tu viens au Québec, tu seras bien encadré par ton Ordre et tes employeurs avec le soutien de tes collègues. D’ailleurs, je vais te laisser quelques liens là-dessous si ça t’intéresse.
Mon hybridité
Finalement, quand je parle de mon hybridité, ce n’est pas pour rire. C’est un mélange de cultures professionnelles, une profession, mais des façons différentes de la mettre en pratique, des méthodologies d’intervention similaire, des politiques sociales essentielles, une discipline ou pas, etc. Moi j’opte pour la discipline !
Mais tu vois, les valeurs du travail social en France, au Québec ou ailleurs, elles sont au fond de notre cœur, intégrées à notre pratique peu importe le voyage, elles ne feront que se renforcer et s’affirmer !
On m’a dit : Sois social et t’es toi… alors voilà !
Bien à toi, un câlin CovidFriendly d’une DEASS à MTL 😉 Bye.
*Jeunesse : terme générique non genré pour dire « vous/toi » peu importe ton âge !
(Res)Sources :
Association nationale des assistants de service social
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec
Comment reconnaître les signes d’épuisement professionnel (burnout)
Groupe Facebook : Francophones ImmigrantEs au Québec exerçant dans le Social [FIQS] (Pssst ! Pour être accepté(e), il faut correspondre au profil des membres et répondre aux 3 questions d’entrée !)
Pis si jamais t’as envie de jaser et me partager ton écrit de la semaine avec tes mots sur tes maux, n’hésite pas à passer par là : Une Assistante De Service Social À Montréal et/ou par ici : @deassamtl
1Demande et le contexte de l’évaluation / Caractéristiques de la personne / Caractéristiques de l’environnement / Analyse et la synthèse / Opinion professionnelle et recommandations
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Étudiante que je suis dans le travail social, je vous remercie pour cette inspiration, ces encouragements qui donnent envie de continuer, de persévérer dans mes convictions, mes projets et d’en apprendre davantage en général, sur soi et les autres… j’en ai tellement à dire mais comme vous l’avez si bien dit, je n’écrirai pas aussi vite que mon cœur 🙂
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Quel plaisir de lire ton commentaire ! En avant vers Soi et les Autres.
Bon courage dans tous tes futurs projets. La flamme du travail social brûle encore … et même si des personnes essayent de l’éteindre, il me semble qu’elle est éternelle.
Bien à toi,
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, vous devez toujours la comparer à un commentaire spécifique. Veuillez lire Débogage dans WordPress (en) pour plus d’informations. (Ce message a été ajouté à la version 6.1.0.) in /home/soissociut/www/wp-includes/functions.php on line 5835C’est cool ton avis. Après tu ne parles pas de tout ce que l’immigration change en toi hors professionnel…
Toute la double culture de façon plus large en fait…
Genre le Québec m’a changé, je ne suis plus vraiment belge, mais je ne suis pas québécois non plus…
Après ca mériterais un article en entier pour faire le point sur tout ça 😀
Merci pour le partage !
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Peut-être devrais-tu te lancer dans un écrit sur ce sujet !!
Pour les petit(e)s curieux(-ses), Antoine se présente par ici : https://youtu.be/p08GzNN4v3A !