Le Social, je suis tombée dedans comme on tombe amoureux
J’ai suivi un parcours juridique poussé, jusqu’au concours du barreau, mais la veille, j’ai renoncé., persuadée que ma voie professionnelle était ailleurs. Si l’avocat que je rêvais de devenir n’était pas au service de son prochain, ce ne serait pas ma voie. Avec un BAC+5 en poche j’ai commencé par tester mes limites, en passant par le milieu glacial des marchés financiers pour être sure que tout ce qui était déshumanisé ne me correspondait pas.
De rencontres en rendez-vous, j’ai repris les études après 5 ans d’activité professionnelle, pour apprendre la création d’entreprise, et c’est là que j’ai enfin commencé ce chemin vers ma destinée.
L’insertion socio-professionnelle.
Terme barbare s’il en est un, qui désigne le domaine dans lequel on intervient auprès des personnes en difficulté professionnelle mais pour lesquelles la situation sociale est un vrai frein à l’emploi : même bardés de compétences ou de savoirs-faire, la situation sociale prégnante leur fera vivre échec sur échec.
Comment on entre dans l’insertion ?
J’ai commencé dans un petit cabinet privé qui faisait de l’accompagnement de chômeurs créateurs d’entreprises, principalement des personnes orientées par Pôle Emploi qui venaient se confronter à la réalité économique, juridique, financière de leur projet d’entreprenariat.
Pour 3 sur 10, le projet devenait une entreprise, mais pour les 7 autres, c’était un retour à la case chômage avec les désillusions en sus.
C’est pour ceux-là que j’ai réorienté mon parcours, pour faire de leurs forces des compétences, de leurs savoirs des arguments professionnels. « Et maintenant on fait quoi ? et bien on continue d’avancer »
Je n’ai jamais réussi à bien comprendre le public très diplômé, cadre, mais j’avais une appétence pour les cabossés, et ils me le rendaient bien. Alors d’année en année, j’ai glissé vers mon monde et je suis aujourd’hui à la tête d’une association qui accompagne les personnes les plus en difficulté vers l’emploi ou la formation, en suivant le chemin de la solution aux problèmes sociaux périphériques.
Conseiller en Insertion Professionnelle.
Même si aujourd’hui il y a des formations qui ont émergé, la plupart de mes collaborateurs ont un point commun : une vraie passion pour la relation d’aide, une sensibilité sociale, un sens de l’écoute et de l’accompagnement poussé.
On devient Conseiller en insertion socio-pro quand l’humain est au cœur de la problématique sociale et professionnelle.
Quand on a conscience que toutes les compétences du monde ne sauront s’exprimer que dans un environnement social résolu et serein.
Le Public
Nos usagers sont Monsieur et Madame Tout le monde, chercheur d’emploi, oui mais avec d’autres difficultés purement sociales ; les moins qualifiés et les moins formés pour la plupart, mais aussi les autres pour qui la question de se nourrir, se loger, affronter la violence familiale est loin d’être une anecdote.
La structure
Elle porte un PLIE, un Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi, dispositif européen pour les grands exclus du marché du travail. Et l’intérêt de ce financement est qu’il nous permet d’orienter nos actions vers ceux que l’on repère comme étant les plus fragiles sur un territoire donné : chefs de famille monoparentales, bénéficiaires du RSA, personnes sous addiction, ex détenus, personnes sous main de justice.
Notre spécificité
En ce qui nous concerne, nous avons choisi de nous tourner aussi vers ceux pour qui l’emploi ne semble pas être le problème numéro un à résoudre : sans domicile fixe, femmes victimes de violence, et ceux que l’institution appelle les migrants.
Ces personnes là sont les plus attachantes.
Parce que personne avant nous n’avait eu l’idée de leur poser la question de ceux qu’ils voudraient faire comme boulot. Lorsque la perspective de reprendre un travail sert de fil rouge à la sortie de la problématique sociale, on ne voit plus les choses de la même manière. On envisage de sortir de la rue, de se former, d’accepter de dormir ailleurs que sur un bout de trottoir. Parce qu’on recommence à croire que redevenir quelqu’un aux yeux de la société est possible par exemple.
On se sert des techniques de recherche d’emploi oui mais bien moins que de l’écoute qui accompagne, de la notion d’étapes de parcours de réussite et d’une bienveillance de chaque instant.
On devient conseiller en insertion comme on rencontre son partenaire de vie, on se reconnait, on accepte les différences et on prend un chemin en commun, pour le meilleur et en sachant pertinemment qu’on va passer par le pire.
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