Un travail de l’ordinaire au cœur de «l’extraordinaire»
Être éduc à l’hôpital en hématologie
Le service accueille principalement des enfants atteints de leucémies – cancer du sang – et d’autres formes graves de maladie du sang. Il est souvent difficile à décrire car nous sommes plongés dans un univers hors du commun.
« Ici, c’est un espace où la vie côtoie la mort, où la joie côtoie la tristesse, où la maladie côtoie les enfants ».
Lors de mon premier jour de travail, le chef de service m’a de suite prévenue et il n’aurait pas pu mieux décrire le service que cela. Paradoxalement, deux sensations se font face pour les familles. L’urgence de trouver un protocole de soins qui fonctionne. Et l’égrènement des jours qui passent et qui paraissent sans fin. Tout cela est amplifié par l’enfermement dans cette chambre d’hôpital sans possibilité de sortie durant de très nombreuses semaines (de 6 semaines à plus de 2 mois).
Replacer l’enfant en tant que tel
Au milieu de ce bouleversement d’une vie, mon rôle va être de mettre la maladie de côté le temps de quelques instants pour voir l’être humain en devenir. Mon rôle aussi est de donner le temps à l’enfant de grandir à son rythme et de ne pas le laisser être aspirer par l’angoisse de sa famille. Lui permettre de continuer à rêver et à vivre. Je me qualifie souvent comme un artisan de l’ordinaire, un maillon invisible. Mais qui va, petit à petit, offrir un espace d’épanouissement qui rappellerait à l’enfant sa « vie d’avant ».
Une bulle
Le quotidien à l’hôpital est très dense, il est essentiel d’avoir cette énergie sans faille pour tenir le rythme et trouver sa place. Mais quand la porte d’une chambre s’ouvre, cette énergie se pose, s’apaise et se centre au profit de l’enfant. Une bulle se crée et s’envole vers de nouveaux horizons, nous ne sommes plus dans cette chambre d’hôpital branché à de multiples câbles. Nous sommes tour à tour à la mer, au soleil, à la montagne, dans la savane, à la recherche d’un trésor perdu.
Parfois, les alarmes des perfusions nous ramènent à la réalité et nous rappellent les défis du quotidien. Il est alors temps de se dire au revoir pour se retrouver le lendemain. Parfois, le temps de quelques instants, les visiteurs de passage se joignent à nous pour ce voyage. Parfois encore, ce voyage fatigue et c’est à un enfant endormi dans mes bras que je dis au revoir.
Enfant on a tous rêvé de 1001 choses en regardant par la fenêtre durant l’école. On a revêtu le costume imaginaire de princesses et chevaliers dans la cour de récréation. Ou encore nous avons imaginé le métier de nos rêves puis avec le temps et les responsabilités du quotidien, nous le faisons de moins en moins. Peut-être aussi que nous avons peur de le faire.
Pour les enfants malades, c’est la même chose. Dès tout petit, nous leur demandons de faire preuve de maturité, de responsabilité et de vivre des choses qui ne sont pas des problèmes de leur âge. Alors, progressivement si on ne fait rien, cette bulle rétrécit pour finir par disparaitre. Mon rôle est alors de donner un nouveau souffle pour continuer de faire grossir et voler cette bulle.
Lâcher prise et se laisser guider
Ce travail de l’invisible qui me tient tant à cœur n’est pas si facile. Il y a des jours où la fatigue et les soucis du quotidien nous empêchent de trouver ce souffle. Vient alors le moment de compter sur les enfants pour prendre le relais, de leurs laisser la place qu’ils méritent. On réalise alors la force d’un tout-petit être qui, sans dire un mot, va vous transporter dans son univers, bien plus loin que nous n’aurions jamais osé aller.
A cet instant, mon travail est de leur faire confiance, et je sais que jamais je ne serai déçue. Alors être éducatrice à l’hôpital, ça tient à peu de choses et tellement à la fois : de la confiance, de l’imagination et une profonde envie de garder sa part d’enfant.
Adaptabilité et créativité
Les normes d’hygiènes drastiques obligent à une adaptabilité. Une gymnastique sans faille m’est imposée pour adapter tous les supports. Il n’est pas toujours facile de travailler sans carton, sans bois, sans tissus parfois sans papier, de toujours devoir tout nettoyer en permanence, de devoir se contenter de bouts de plastique pour éveiller les enfants.
La plastifieuse devient alors mon extension et au gré de mes découvertes, de mes tests je finis toujours par trouver LE truc qui va faire briller le regard des petits. Parfois, il suffit d’un peu de peinture dans une seringue habituellement utilisée par les soignants, parfois encore du colorant pailleté dans une perfusion offre un champ de découverte infini. Mais, ce qui marche le mieux est encore de se laisser guider par ces petits êtres car, tout comme ils sont uniques, mes supports le sont aussi.
Attachement et séparation
Puis, vient le moment, après plusieurs semaines ou mois de se dire au revoir, de laisser l’enfant rentrer chez lui. Et malgré toute la juste distance que requiert notre profession, les heures et les combats passées dans cet univers très particulier ne peuvent s’empêcher de laisser place à un pincement au cœur. Car pour un éduc à l’hôpital, la sensibilité reste un élément indispensable d’un accompagnement de qualité.
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, vous devez toujours la comparer à un commentaire spécifique. Veuillez lire Débogage dans WordPress (en) pour plus d’informations. (Ce message a été ajouté à la version 6.1.0.) in /home/soissociut/www/wp-includes/functions.php on line 5835Très joli témoignage qui nous explique ton quotidien d’EJE à l’hôpital , avec ses difficultés techniques et humaines. C’est très touchant et bravo c’est un beau travail que tu fais, d’apporter de la joie aux enfants hospitalisés.