Mal d’un siècle en travail où tout se décompose !
Quel en est le remède et quelle en est la cause ?
Serait-ce que la foi derrière la raison
Décroît comme un soleil qui baisse à l’horizon ?
Mardi 9h – Réunion
La vieille bâtisse dans laquelle se déroulait cet attroupement datait du 18ème siècle. Une grande maison bourgeoise dans une ancienne rue huppée de la ville. Une atmosphère condescendante se dégageait de ces murs. Ce bâtiment de quatre étages avait une manière bien à lui de se tenir devant nous comme pour nous signifier son rang et ses distinctions. L’humidité était présente et prégnante dans les murs. L’humilité y était absente. S’y mouvoir en silence était impossible. Son parquet gémissait à chacun de nos pas, les portes geignaient quand on les fermait.
Ce matin là, le ciel était en pleurs. L’âme en peine, je me trainais. J’avais la barbe longue et sale. Je déambulais comme un mollusque sous la pluie, pour me rendre tant bien que mal sur mon lieu de travail. Il y avait quelque chose dans l’air, quelque chose de subtil et d’inconnu, une atmosphère étrange, une odeur de fin. Une lueur poussiéreuse filtrait à travers ces nuages déchiquetés, lugubres et mettait en perspective la fenêtre du 4ème, celle de l’abattoir. Malgré la brume, j’observais les nuages en lambeaux. Certaines croyances arguaient qu’ils permettaient l’ascension d’un être humain vers l’infini céleste. C’est à ce moment bien précis que cela a cheminé dans mon esprit obstrué.
Je suis arrivé à un stade où je ne vois plus qu’une seule issue pour m’en sortir. Malgré ma thérapie, malgré le soutien, je me sens las, vidé de tout. Vivre est devenu une réelle pénitence, un véritable supplice. Je n’en peux plus. Je me bats chaque jour depuis des mois pour rester debout. Ce virus a piraté mon âme. Je subis sans répit cette emprise mentale. Il me parasite, me phagocyte. Ma joie de vivre s’est envolée en même temps que mes espoirs.
J’ai tenté tant bien que mal de me débarrasser de ce fardeau en plongeant dans l’alcool, les stupéfiants mais rien n’a fonctionné. Bien au contraire.
Accéder à la salle de réunion au 4ème, c’était pour moi comme escalader l’Everest pour clamer ce que l’on avait à dire à notre administration « perchée ». Je me suis toujours dit que pour faire réunion, il fallait se Re-Unir. Ne s’appelle-t-elle pas réunion d’unité ?
J’en souffrais le martyr. Pourtant, ce n’était pas la somme des escaliers qui me rebutaient le plus mais l‘infâme traître qui y siégeait. J’avoue que j’avais encore du mal à le regarder, du mal à être dans la même pièce que lui mais c’était inévitable, il fallait que je fasse avec. Du moins pour le moment.
Quand je le regardais, je ne pouvais m’empêcher de le haïr au plus profond de moi.
Cela me déchirait. Cela me consumait de l’intérieur. Sa vision pathogène alimentait sans cesse ma souffrance psychique. Une véritable infection.
J’ai donc saisi cette occasion pour décrire ma souffrance. C’est mon seul échappatoire avant que je ne réponde plus de rien. L’écriture a toujours été mon refuge. Mais ces derniers temps, mes écrits s’amenuisent comme peau de chagrin alors que mes douleurs, elles, s’amplifient !
J’ai beau joué le Fort, la réalité a parlé. Mon corps a répondu par la dépression à la détresse qui me gagnait.
« Toute sa vie, le Mouton a eu peur du Loup mais c’est l’Homme qui l’a mangé ».