Que me confesses-tu Corps ?

Comme il est profond ce mal être. L’accumulation de nuits entrecoupées de réveils nocturnes incessants rend mon âme aussi souffrante que mon corps. Je l’entends d’ici mon médecin :

«  Vous êtes malade, décidément ! Le corps parle lui aussi à sa manière. Ne dit-on pas que toute maladie est une confession par le corps ? »


La mienne est sournoise. Elle se cache et donne l’illusion de ne pas exister. Elle est pourtant bien là comme un poison dans mes veines et mon âme.
Le pire des malheurs est de se savoir compté pour rien, au point où même mes souffrances sont ignorées. Le pire, je crois, était le mépris, le dédain de mes collègues. Ceux- là même que j’ai formés et soutenus face aux dysfonctionnements et leurs incohérences. Hélas, certains ont la mémoire courte et/ou sélective.


Après trois mois de consultations hebdomadaires à l’hôpital psychiatrique, j’ avais déjà jeté toutes mes boîtes d’antidépresseurs. Malgré tout, je poursuivais les séances pour tenter d’atténuer ces angoisses mais surtout pour honorer la parole faite à mes parents. Je n’en pouvais plus de me battre contre quelque chose qui se jouait de moi.


C’est là que je repense dans “ma dinguerie” à tous ces gosses hyperactifs avec des troubles du comportement, tous ces incasables que je croisais. Ces gamins turbulents, chiants d’ITEP, de MECS à qui certains psychiatres bien éclairés prescrivaient inlassablement du Risperdal, du Tercian comme traitements miracles. Pauvres gosses ! Comment pouvaient-ils envisager un avenir sereinement ? C’était une spirale où rares étaient ceux qui s’en sortaient indemnes. Un pet de travers en foyer : Hop un rdv au psychiatre pour réévaluer son traitement. Une autre manière de dire « camisole chimique ». Bref.


Je sais bien ce que disaient mes collègues : « il est devenu accro aux cachetons, pauvre type ! ». La décadence ! A ma sortie de l’HP, j’avais pris dix kilos car shooté à la cortisone, j’étais devenu un véritable bonhomme Michelin, un bouboule.
Je m’étais mis à fumer et pas que la cigarette. De temps à autre, quand j’avais plus de sous, je piquais des flashs de vodka chez le vieux Maurice, 73 ans, l’épicier du coin. Pardonnes moi Momo !
Cette satanée chambre dans laquelle le service de tutelle m’avait installé, me rebutait tellement. Je faisais tout pour la fuir. J’y allais seulement quand j’étais vraiment mal et défoncé. Il n’était pas rare, il paraît, que des petits jeunes du quartier me reconduisent au pas de ma porte tellement j’étais ivre.


Adolescent, je me rappelle que mon grand frère m’avait fait découvrir du rap sur Radio Nova. Cela me parlait cette rage, ces revendications, ces combats, cette quête, cet art.
C’était une époque où je me cherchais, je ne me sentais pas bien dans ma peau, la vague à l’âme. Et c’est alors que j’ai trouvé dans l’écriture un exutoire.

C’est à cette époque là aussi que j’ai commencé à ressentir le racisme. Le mépris que l’on m’ a fait ressentir à cause de mes origines se transformait et mutait en haine profonde contre tout ce système qui nous stigmatisait. J’en ai voulu à l’école d’avoir tu le vrai monde dans lequel on est jeté une fois adolescent. Tout était beau à l’école primaire. C’était facile pourtant de nous dire que l’on subirait des traitements particuliers, différents à cause de nos prénoms, de nos couleurs ou de notre quartier. Et malheureusement, ça a commencé en ton sein « Ecole ».

Parfois, je sentais cette colère, cette rage m’envahir et vouloir prendre le contrôle. Alors je me jetais sur le papier et je pleurais mes maux en mots. Les dictionnaires étaient devenus de proches confidents. J’ai alors lu, par la cause du rap, Baudelaire, Rimbaud, Hugo et j’en passe. L’ alexandrin n’avait plus de secret pour moi. J’écrivais mes textes tout en comptant et embrassant mes vers.


Je pense que cela m’a amené vers les métiers du lien où l’on cherche à aider l’autre à se “réparer”. Et par la même, on trouve et on se retrouve à avoir une « Utilité ». Il y avait « Grand frère » dans la bibliothèque de la maison, tu t’en rappelles un livre de Freud « Introduction à la psychanalyse » que je dévorais le soir. J’en mesurais pas toute l’importance mais j’y ai découvert l’inconscient et là était pour moi l’essentiel.

Je me rappelle aussi des jeunes en foyer qui me disaient en soirée :
« Laisse nous, on est déchiré ! On comprend rien à ce que tu dis». J’en étais agacé, j’avais l’impression qu’ils se foutaient de moi.

Heureusement, Said, notre aîné, le veilleur de nuit, celui que les jeunes appelaient « Maître Yoda » prenaient le relais. Il les apaisait juste en arrivant. Waouh !

« Il vient quand Said ? » réclamaient-ils chaque soir aux éducateurs de service. Les haineux aimaient parler d’emprise sur les jeunes. Tout ça pour cacher leur manque d’empathie et de lien. Tout le monde en était jaloux de ce charisme.
C’était un vieux de la vieille, un roublard repenti. Il avait tant bourlingué. Il était là pour les gosses, ça se ressentait.
Said, c’était mon frère d’armes, mon frère d’âme. Un véritable collègue et ami en somme.
Certains haineux restaient estomaqués quand les adolescents disaient «  Le seul qui nous apprécie vraiment ici c’est Said » – « Le seul vrai éducateur, Maître Yoda ! ».

La plupart dans ce foyer étaient de jeunes professionnels. Certains avaient été recrutés car ils étaient malléables. En douce, ils récoltaient des informations auprès des plus tumultueux pour les distiller ensuite auprès de SMARTi le Sauveur.

Said était mon aîné en tout : en expérience de vies aussi car il en avaient eu plusieurs. Et cela m’interpellait, m’interrogeait. Comment des lapins de six semaines se permettaient ils de juger et de cataloguer un homme si cultivé et si riche en savoirs être ? Ah les mystères du Social. Les « Cas Soc » ne sont pas toujours de l’autre côté du bureau.


Le pire c’est que ses plus farouches détracteurs aimaient travailler avec lui. Car avec lui, ça ne bougeait pas. Ils lui demandaient souvent de partir en séjour avec eux. Cela leur permettait d’aller sortir en soirée quand celui-ci veillait aux grains. Lui, tout cela il le savait. Il lisait en eux. Il avait de la compassion pour eux. Au fond, il les aimait car c’était son équipe.

« Les choses doivent être réglées en famille, pas dans le bureau d’en haut ».
« Ils sont jeunes dans le métier et dans la vie » me répétait il.

Depuis, de nouvelles complications sont venues m’assaillir : diabète, hypertension et souffle au cœur. La liste de ces médocs est tellement longue. Une ordonnance du médecin traitant, une autre du psychiatre, celle du diabétologue et une dernière du cardiologue. Un véritable calvaire, je dois forcément m’y perdre de temps à autre dans toutes ces posologies.


Pourtant, je me portais si bien l’été dernier avant leur venue.


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