Il y a quelques décennies, l’évolution hiérarchique se faisait et se pensait ainsi : Educateur- Chef de Service- Direction. La direction connaissait les problématiques rencontrées par les équipes éducatives. Car eux y avaient été confrontées plus tôt dans leur carrière. Ils parlaient le même langage que les équipes éducatives.
Aujourd’hui, bon nombre de travailleurs sociaux se plaignent d’un fossé qui se creuse avec leurs cadres. Pour grossir le trait, certains sont formés à faire du chiffre et d’autres à faire de l’humain. C’est un constat simpliste certes mais qui réaffirme la place centrale des chefs de service. Ceux-ci doivent aussi servir de tampons, de liens entre “deux univers”.
Préambule
J’ai voulu mettre l’accent sur un certain nombre de pratiques, de comportements managériales au sein des structures qui sont des marqueurs d’institutions anormalement “névrosées”. Je suis resté centré sur ces signes sans parler des conséquences : violences, maltraitances, burn-out, fermetures etc. De plus, je n’ai pas fait de distinction entre causes structurelles et celles relevant de la responsabilité individuelle même si elles sont forcément interconnectées. La liste n’est pas exhaustive malheureusement, c’est pourquoi je vous invite aussi à me faire part en commentaires de ce que vous vivez au sein de vos institutions.
La fonction de direction
Elle est d’une importance capitale dans la réussite du projet. Je vais citer un certain nombre de marqueurs, de pratiques et de signes émanant d’une direction que l’on retrouve dans ces structures “malades” :
- Toute-puissance.
- Dépression et passivité
- Citons un directeur faisant passer la légitimité de sa revendication personnelle avant l’intérêt collectif du projet.
- Encouragement à la prise d’initiatives sans organisation du suivi ou blocage de toute initiative.
- Renvoi à ses collègues qu’ils ne font jamais assez, ni assez bien.
- Désintérêt pour l’histoire institutionnelle.
- Rétention d’informations, manipulations pour arriver à ses fins.
- Favorisation d’un climat persécutoire où chacun se méfie de l’autre.
- Valorisation de certains et jamais des autres.
- Division pour mieux assurer son emprise.
- Non application à sa personne des règles acceptées pour les autres : sentiment d’être au-dessus des lois.
- Régime de terrorisme technico-administratif = se prendre pour la loi.
- Direction partagée entre plusieurs responsables dont les décisions s’annulent mutuellement.
- Fonctionnement « à l’affectif », à la séduction.
L’ absence de ligne de conduite
Chacun est abandonné à lui-même et personne ne tranche en cas de conflit.
Par exemple : dans un projet issu de la mouvance autogestionnaire, personne n’accepte d’assumer le rôle de « décideur ». Les rapports de force virent à l’affrontement en l’absence d’un tiers légitimé pour trancher.
Des enfants/adultes sont négligés faute de moyens matériels ou par manque de financement. Je me rappelle de cette directrice de MECS disant en réunion d’unité : ” ils ne sont pas si malheureux” faisant fi des missions de l’institution et de ce pourquoi un financement est versé. Ne doit on pas rechercher les conditions de l’épanouissement personnel de ces adolescents ?
Le financement de l’institution ne sert plus l’intérêt de la prise en charge des personnes en situation de handicaps, des mineurs en dangers ou délinquants mais servent à maintenir en vie la structure comme le ferait une société.
Témoignage de Boris
” Il n’y a plus de place aux résidents ou aux jeunes sauf quand il s’agit de faire briller sa carrière dans un média. Et là, comme par hasard, les deniers disparus pour les projets éducatifs mis aux oubliettes ressortent du chapeau avec des petits fours, des gâteaux alors que nos jeunes n’ont même plus droit de fêter leur anniversaire ( car ils ne le mériteraient pas). Les flashs des journalistes devant rendre aveugles un certain nombre de cadres qui arguaient de faire des économies. Miracle, la lumière fut. Et les peintures sont refaites, les travaux sont engagés miraculeusement.”
L’ Absence de projet institutionnel
Cela peut être aussi un projet qui n’est plus en adéquation avec le public accueilli et les problématiques du moment. Souvent, les structures ne les réécrivent que sous la pression d’un contrôle interne ou externe. Les années passent, les équipes et le public changent mais l’institution ne se remodèle pas pour y répondre. Le turnover des cadres laissant parfois des équipes pluridisciplinaires livrées au “bricolage” et à la survie.
L’ Absence de projet individualisé
Il s’agit parfois de la présence d’un projet fourre tout (qui n’a d’individualisé que le nom de l’usager) pour les personnes prise en charge ou cette impression que l’association n’a de but que d’exister ou survivre sans philosophie. Travailler dans le quotidien sans cesse, sans même connaitre le Pourquoi de cette institution. Cela génère de la routine, l’absence d’investissement : on vient toucher son salaire et on rentre chez soi. Les personnes prises en charge en pâtissent et les conditions de travail en deviennent délétères.
L’Obligation d’Identification et La Justification
Culture de l’Instant ?
Le temps consacré aux écrits est mis en péril car ce sont des temps sur lesquels certains cadres ne peuvent avoir la main mise et le contrôle. L’analyse des pratiques: espace de réflexion ( sur ce qui se joue dans des situations problématiques précises ) sont également en danger car le respect de la confidentialité, de ce qui se dit dans ces espaces est mis à mal. En effet, sous prétexte de demander des comptes à l’intervenant, un certain nombre de cadres demandent plus ou moins explicitement ce qui se joue en leur sein. Sans compter sur la pression effective que l’on met sur les contractuels en leur demandant si cela s’était bien passé pour éviter de leur dire explicitement : Dites moi ce qui s’est dit.
Pas de droit à l’erreur
Quand un agent produit un écrit de piètre qualité, on lui tape dessus car cela a sali l’image de marque de l’institution. Par contre, on n’interroge pas la qualité de la formation, le recrutement des non-diplômés ou le non accompagnement des nouveaux.
Pas de prise d’initiative à moins que
Quand un éducateur se permet de cuisiner un gâteau pour le goûter, on lui dit qu’il n’a pas à se le permettre, qu’il n’a pas cette flexibilité dans sa prise d’initiatives. Par contre, quand le cuisinier est absent, on lui demande de faire seul la cuisine (alors que cela n’est pas dans sa fiche de poste ) tout en s’occupant des usagers.
Le harcèlement et l’acharnement.
La Sacro-Sainte Nécessité de Service a bon dos
Ils n’hésitent pas harceler les agents en dehors de leurs horaires de travail. Ils n’hésitent pas d’ailleurs à fustiger celui qui refuserait en le taxant d’égoïste et non solidaire de ses propres collègues. On utilise sciemment l’affectif pour justifier l’intrusion du travail dans la vie privée. “Vous devez être sans cesse joignables” : “corvéables à souhaits- à ma disposition etc. Les Sous-entendus peuvent affluer.
Représentation de l’Identité Professionnelle ?
Ce pseudo conformisme à une représentation de l’identité professionnelle est une forme insidieuse de dictature de la pensée unique. L’ obligation de faire allégeance est un mélange des genres qui pourrait s’apparenter à un “Marche avec moi ou Crève”. Les conséquences sont le renouvellement en CDD de ceux que l’on pense malléables, facilement influençables et qui peuvent être “des informateurs.
Par contre, ceux qui mettent en avant les dysfonctionnements de l’institution pour améliorer la qualité de la prise en charge sont mis de côté rapidement soit en les marginalisant (quand ils sont titulaires ou en CDI), en leur donnant des emplois du temps difficiles par exemple soit en mettant fin à leur CDD sans explication concrète et justifiée quand ils sont contractuels.
L’Ambiance et Le Dénigrement
- Absence de liberté interstitielle.
- Zones de négociations et d’autonomie floues.
- Difficultés, ragots et mésententes entre adultes.
Le cadre vie privée et professionnelle s’entrechoquent sans cesse. Plus rien n’est clair. La vie privée s’entremêle dans la sphère professionnelle générant de l’insécurité. Certains cadres se permettant de recevoir en entretien individuel (sous couvert de bienveillance) des agents qui viennent se déverser sur la vie privée d’autres agents.
-
Non-respect des salariés, dérision, moqueries.
Certains professionnels ou cadres se permettant de critiquer ouvertement leurs agents ou collègues en présence d’autres personnes. Critiquer sciemment les collègues absents lors des réunions ( c’est plus simple et pratique: les absents ont toujours tort).
-
Absence de rituels d’accueil des nouveaux et de rituels de sorties.
On met à mal rapidement les nouveaux sous couvert de problèmes RH ou d’autonomisation. Les cadres ou les professionnels ne veulent plus être garants de l’accueil progressif et bienveillant des nouveaux. Car l’institution leur fait endosser les conséquences. ” Si tu veux que ton nouveau collègue travaille en triplette, tu vas devoir toi travailler seul et en payer les conséquences”.
-
Passivité de la structure qui ne « répare pas » les locaux dégradés.
Comment réclamer le respect des professionnels et de l’institution de la part des adolescents par exemple si elle même elle ne respecte pas ses locaux ? Certains établissements sont délabrés. Ils ne sont plus du tout aux normes et ne doivent leur salut qu’aux connivences avec les membres des commissions de sécurité. Rien de tel qu’une petite bouteille .
-
Peu ou pas de circulation des personnes et des idées.
On ne pense pas en dehors de la boîte. Ainsi, le vent nouveau incarné par les stagiaires n’est pas le bienvenu. Les espaces de supervision et de formation ne sont pas investies. On entend: ” tu n’es qu’un stagiaire “, “tu n’es qu’un contractuel” ” tu n’es pas diplômé du social- tu n’as pas de légitimité”.
-
Censure lors des réunions.
Les espaces de parole ne sont pas investis par peur des sanctions. L’ histoire récente de cet éducateur mis à pied et dont sa structure a demandé son licenciement en sont le parfait exemple. Il aurait exprimé son avis professionnel sur un certain nombre de dysfonctionnements de façon trop véhémente et aurait mis à mal son chef de service.
Infantilisation des agents qui co-produit une absence de responsabilisation.
On leur reproche leur manque d’initiatives, dans le même temps on leur demande sans cesse qu’ils sollicitent l’autorisation de leurs cadres et on les bride constamment. Certains directeurs ne consultant même plus leur équipe éducative pour des questions relatives à l’éducatif. Doit-on leur rappeler qu’ils existent des fiches de poste et métiers qui cadrent nos champs d’intervention respectifs?

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Tout est dit ! et tout est très juste !
je rajouterai : une direction qui se décharge de sa responsabilité sur l’association et sur les salariés
copinage avec les ados (parfois, même histoire commune etc.)
Merci pour cet article !
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Merci à toi pour ce retour. Si tu as envie de faire partager ton expérience via un article, je serai ravi de le publier. Bien à Toi !
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